II-8
Le
rendez-vous était fixé à 20h30 au port de Shanghai, sur les quais. Nous nous y
rendions avec David en taxi qui nous lâchait à l'entrée des entrepôts. Il nous
fallait trouver le n°08. David savait où aller. J'étais étonné de voir autant
de monde sur les quais. Comme pour hier où je m'attendais à voir de mystérieux
Yakusas surarmés me proposer un deal terrifiant, je pensais me rendre dans un
entrepôt plus ou moins clandestins hors de la vue de tous, y découvrir une
série de voitures dissimulées sous des bâches entourées de gardes du corps
dotés d'Uzis israéliens. Rien de tout cela en fait. L'entrepôt 08 était
quasiment vide. Il n'y avait que ci où là quelques ballots contenant des
caisses en bois d'origine diverses. Ce hangar pouvait au moins contenir un
petit avion. Au fond, vers la mer, se trouvaient les deux individus vus la
veille, ainsi qu'un grand container gris à moitié rouillé déposé sur le sol.
David me demandait de rester à l'extérieur, et de le laisser faire, qu'il me
prendrait en passant.
Alors je me suis mis à attendre.
Cinq, dix, quinze minutes sans nouvelles, enchaînant cigarette sur cigarette
sans rien de neuf. J'étais particulièrement frustré de cette situation. Après
tout, David m'avait ouvert la porte de sa chambre d'hôtel, m'avait donné son
téléphone et procuré un travail qui demandait autant de sérieux que de
discrétion. Les quelques chinois qui étaient encore en train de travailler me
dévisageaient avec insistance. Il faut dire que mon costume noir et ma chemise
blanche surmontée d'une cravate détonnait dans cette atmosphère ouvrière. Déjà,
et toujours dans mon grand délire paranoïaque, état sûrement dû à la boulimie
de films ingurgités ces derniers temps, j'attendais qu'un coup de feu
retentisse. Je me voyais déjà courir pour sauver ma peau, trouver le chemin le
plus rapide, savoir comment rentrer à l'hôtel, si je pouvais encore y aller, où
me faire rapatrier d'urgence en France...
Une Audi A8 noire se présentait
au bout de la rue. Arrivant à ma hauteur, David m'ouvre la portière et m'invite
à entrer. Je m'exécute. Il commence alors à sortir des quais, et se doutant de
la frustration qui m'habitait de ne pas avoir participé à la transaction, se
mit à m'expliquer qu'en fait rien ne m'empêchait d'y participer. David voulait
que je vive à fond ma première livraison en solo, la surprise de découvrir la
voiture, le stress des recommandations et du tour du propriétaire. C'est vrai
que sur le coup, je lui en voulais un peu, mais après tout, c'est comme faire
pour la première fois l'amour après avoir vu des dizaines de films porno. On
sait dans les détails comment ça marche, mais finalement on aurait peut-être
été plus à l'aise d'y aller à blanc. Bref, nous entamions notre périple. David
me montrait le billet glissé dans une enveloppe. Celle-ci contenait deux cent
dollars en billets de dix, une carte sommaire de l'endroit de la livraison avec
un itinéraire à suivre, un lieu ainsi qu'une adresse de rendez-vous et un
numéro de téléphone écrit en rouge. Sur ce dernier point, David était très clair.
Ce numéro était un numéro d'urgence uniquement. Il ne devait être composé qu'en
cas de destruction totale du véhicule, de vol ou d'arrestation musclée par la
Police. Pour tout le reste, il ne fallait compter que sur nous-mêmes.
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